Lac de montagne

Publié le par Lucie Trellu

La fatigue a ralenti son allure, ses pieds commencent à s'échauffer, mais l'élan matinal qui l'a menée sur ce sentier de montagne est toujours présent en son cœur. Elle s'arrête juste le temps de grignoter quelques fruits secs, une pomme tapée et boire un peu d'eau. Depuis qu'elle a entamé son ascension, le ciel s'est peu à peu éclairé, l'air de froid est devenu juste ce qu'il faut de frais pour stimuler autant le corps que l'esprit. La seule chose qu'elle regrette, c'est le petit nuage de vapeur que faisait sa respiration.


Elle reprend son chemin, lentement mais sûrement. Elle n'est pas pressée, elle profite de cette longue marche d'approche pour s'imprégner de l'atmosphère apaisée et pure, du paysage exempt de toute trace humaine, à l'exception de la piste qu'elle suit. Celle-ci devient de plus en plus étroite, presqu'invisible alors qu'elle grimpe la pente vers le col en faisant des lacets. Enfin, le souffle court, elle achève sa montée et contemple le paysage qui se dévoile à elle, de l'autre côté du col. A ses pieds, l'herbe est intacte. Elle est arrivée au bout. A partir de là, il n'y a plus d'antécédents à suivre, elle va devoir tracer sa propre route. Jusqu'à présent, elle se laissait guider par l'empreinte de ses prédécesseurs, bercer par la contemplation de la nature préservée, l'esprit embrumé, comme entre parenthèses.


Et soudain, enlacée par un vent vif, elle s'éveille. Face à l'éventail des chemins possibles, elle s'ouvre à une autre perception, elle cherche autour d'elle l'écho de l'envie qui l'a portée jusque là. Un instant immobile, aux aguets, elle saisit le fil de son intuition et s'engage à sa gauche, contournant le sommet à travers un chaos rocheux instable. Confiante, se sentant l'âme d'une chèvre des montagnes, elle pose un pied assuré de rocher en rocher. Et voilà que se dévoile l'objet de sa quête. En contrebas de la pierre plate où elle se tient, un lac triangulaire, réceptacle du sang de la montagne.



Elle s'allonge et l'observe, l'écoute. Il se joue là une symphonie d'énergies qui l'émerveille. Les eaux vives des sources portent jusqu'à lui les mémoires de la pierre, il les brasse dans ses profondeurs, et y mêle avec délicatesse les murmures des étoiles et des nuages, qui viennent se refléter dans le miroir de sa surface. Puis il laisse s'écouler vers la vallée une eau claire, riche et bavarde. Espace privilégié, nœud dans la résille d'information qui recouvre le monde, le lac l'attire, l'appelle. Elle hésite longuement, songeant au froid, à son corps fragile encore, et doit se résoudre à faire la sourde oreille aux sirènes aquatiques. Mais elle boit le spectacle immobile et pourtant majestueux de tous les pores de son être, de son âme.

  

Publié dans La Passeuse

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S
Bonjour,J'aime beaucoup tes textes et les expressions que tu en donnes pour exprimer un sentiment ou un lieu précis...Bonne journée
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L
<br /> Les mots viennent d'eux-mêmes, je ne suis que leur cultivatrice. Je les arrose et les cueille pour vous les offrir, bien mûrs de sens...<br /> <br /> <br />
L
Ooouuaaaaaah...
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L
<br /> Ca te plaît alors ? Tant mieux...<br /> <br /> <br />