Don

Publié le par Lucie Trellu

La brume légère, voile opaque posé sur la campagne. Les collines sont des chats câlins courbés sous la caresse d'une brise matinale et fluide. On aperçoit à peine les vallées se croiser et creuser leurs sillons jusqu'à l'horizon. De jeunes pousses ponctuent de leur éclat tendre les longues phrases nues de l'arbre qui me surplombe. Je tremble. Tout est silence. L'instant est fragile, précieux, doux. Dans le calme ouaté, mon esprit dérive et s'étire.


Un battement naît lentement. Le rythme s'affirme. C'est le cœur du paysage. Tambours précis. Une main sûre sur la peau tendue. L'arbre, un jeune érable, s'ébroue et s'étend vers la rosée. Délice de la musique. Chants qui montent vers nous, nous émeuvent, nous meuvent. Danse lente, sinuosités enivrantes, le réveil est chanson. Les sons montent, éclosent de mes lèvres et vont se poser en grappes encore chiffonées sur les branches accueillantes. Le rythme se fait plus marqué, lancinant, obsédant, chant hypnotique, transe hors du temps.


Du silence à la transe, passage crucial. Le paysage est maintenant inondé de lumière, éblouissement, chaleur. L'érable aux feuilles de feu est une offrande au soleil. L'éveil est complet, l'activité pleine. La danse se structure, le chant s'affine. Le don est subtil, inlassable. Sans cesse répété, toujours différent, infiniment.


Puis brusquement, la Nuit. Totale, muette, immobile. Saisissement, statue, bois. L'offrande est achevée, bientôt de l'obscurité renaîtra la promesse d'un éveil.


Tourne, tourne. Don du jour né de la nuit.

   

Publié dans Ecrits-Visions

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