Au fond du vallon

Publié le par Lucie Trellu

Une envie de simplicité et de calme guide ses pas vers un petit ruisseau qui s'écoule, l'air de rien, le long d'un vallon oublié, planté d'arbres en rangs serrés et où la lumière ne pénètre qu'à certaines heures du jour. Au cœur de ces heures, elle s'engage dans la pente douce, rejoignant le ruisseau qui devient son guide. Elle progresse lentement, cherchant à déranger le moins possible cet écrin de silence et de fraîcheur, et parvient enfin à proximité du glouglou familier. Elle écarte les branches d'un dernier arbuste qui enjambe le cours d'eau et la voilà.

Mince filet qui sourd de la mousse au fond du vallon, tombant avec un rire clair dans une vasque naturelle, roche creusée par la minuscule chute d'eau et le ruissellement perpétuel. Source insouciante, au chant léger, si loin de la gravité de la source de la rivière. Quelques fleurs graciles l'entourent d'un halo de couleur vives, jaune, rose, bleu, qui ressortent sur le vert sombre de la mousse et le vert tendre de leurs feuilles. On distingue à peine le gris mêlé de noir et de blanc du granit sous la mousse rampante et l'eau miroitante. Pourtant, sa présence est nette, massive. Malgré l'apparent abandon du lieu, la pierre n'est pas d'ici, quelqu'un l'a disposée là il y a fort longtemps, laissant le soin à l'eau d'y faire son trou.
 
Encore aujourd'hui, il émane d'elle une sensation de déracinement et une douleur sourde. La passeuse s'accroupit à ses côtés, pose tendrement sa main sur sa surface glissante et murmure pour elle des paroles apaisantes. Puis elle vient s'asseoir au-dessus de la source et puise dans la coupe de ses mains jointes un peu d'eau glacée. Elle contemple dans ce lac minuscule le reflet des frondaisons où se mêlent ombre et lumière, puis, saisit d'une intuition soudaine, dérange légèrement le miroir liquide de son souffle. Après une longue inspiration, elle fredonne quelques notes et plonge son regard dans le puit sombre qu'il est devenu avec une légère appréhension. Un courant froid l'enrobe et l'emporte.

Noir. Néant. Oubli.

Lorsqu'elle sort de sa torpeur, les deux pieds dans l'eau glacée, elle trouve dans sa main une longue plume d'un noir bleuté et remercie en silence la présence qui l'a accompagnée et sans doute ramenée. Elle sait que les souvenirs afflueront plus tard, cette nuit peut-être, sous la protection de la lune, et prend le chemin du retour avec une dernière pensée pour la pierre oubliée.

Publié dans La Passeuse

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L
Contente que tu ais passé un bon moment, Malka, c'est mon objectif !
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M
Un très beau texte, merci pour ce bon moment de lecture.
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M
Un très beau texte, merci pour ce bon moment de lecture.
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L
<br /> Contente que tu aies passé un bon moment, c'est l'objectif !<br /> <br /> <br />
L
Sensations prégnates, élégance du style, profond respect des mots...
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