Sur le fil de l'appel

Publié le par Lucie Trellu

Un éclat de soleil lui arrache une larme. La sueur coule, lui pique les yeux. Ses muscles crient leur fatigue, ses pieds échauffés lui arrachent une grimace de douleur. Pourtant, elle ne peut s'arrêter, pas maintenant. Il serait trop bête d'avoir tant souffert pour s'arrêter si près du but. Son esprit déterminé encourage son corps éprouvé. Elle sait qu'il faut continuer, quoi qu'il arrive, avancer même de façon infime, tant qu'elle avance. Le fait même qu'elle ait considérablement ralenti son allure est le signe qu'elle s'approche de la fin.

Elle fait encore un pas, puis un autre. Tout autour d'elle a perdu couleur, substance, odeur, consistance. Elle chemine dans un néant traversé seulement par le fil de feu sur lequel ses pieds se sont engagés il y a longtemps. Le temps lui-même s'effiloche peu à peu. Elle lève son pied, encore. Lentement, mais sûrement. Puis le repose. Le pas suivant, impossible de lever, alors elle pousse juste son pied en avant, et puis l'autre. Elle ne marche plus, elle glisse, au ralenti. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que la volonté. Elle n'avance plus, elle ne peux plus bouger, mais son esprit désire encore avancer, malgré tout.

Alors son corps reste en arrière, coquille inutile, et son âme, enfin libre, s'élance dans le fil, dans le feu, au cœur de l'abstraction même de la progression. Dans un élan infini, elle s'en va rejoindre l'origine de l'appel impérieux qui l'a tirée de son quotidien.

Publié dans La Passeuse

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