Erebhsifael - Bain de chaleur

Publié le par Lucie Trellu

Chaleur lourde, épaisse, suffocante. L'air est dense au-dessus de son corps. Écrasée par le poids de cette gangue de vapeur brûlante, elle se vide de son eau par tous les pores de sa peau. Lente purification qu'elle prolonge jusqu'aux limites extrêmes de ce que son organisme peut supporter. Comme les limitations de ce corps fait de tant d'eau lui pèse en cet instant ! La pierre sous elle est chauffée à blanc et elle sent sa morsure répondre à celle du soleil : elle cuit, lentement mais sûrement, avec délice. Elle sait que son corps, et sa peau en premier lieu mettront longtemps à s'en remettre, mais si elle ne sacrifie pas à ce rite régulièrement, c'est son âme, son essence qui risque de s'évaporer. Tant d'eau, tant d'eau ! Quel drame pour elle que cette enveloppe humide, quelle ironie !

Arrivée à la limite du supportable, elle se lève lentement, et savoure le bouillonement intérieur et le rouge vif de son épiderme. Bientôt, elle le sent, elle parviendra à dépasser tout cela, et la souffrance cessera. Mais en attendant... Elle contemple avec envie le feu qui ronfle à quelques pas de la longue pierre plate, mais pour l'instant, elle ne peut s'abandonner à la caresse des hautes flammes, sous peine de dépasser la limite, et, brûlant les étapes, de se priver de la suite, qu'elle pressent grandiose. À défaut, elle se saisit de la longue dague qu'elle porte toujours au côté, la plonge dans les flammes de la forge à un jet de lance de là, et attend lentement que le rougeoiment du métal s'intensifie. Puis, tout aussi lentement, elle passe la lame sur son bras et trace de longues zébrures qui laissent échapper le fluide de vie couleur de braises.

Lorsque même pour elle la souffrance a atteint le seuil de l'intolérable, elle repose la lame avec tendresse, et s'approche d'une haute jarre emplie d'une huile noire. Lentement, avec des gestes doux et précis, elle enduit chaque parcelle de son corps désséché de cette substance visqueuse à l'odeur entêtante. Puis elle s'approche d'une tenture rouge brodée d'un soleil victorieux, derrière laquelle apparaît une porte. Elle observe un moment de silence immobile, savourant, maintenant que la douleur commence à refluer sous l'action de l'huile, l'intense félicité que lui procure cette communion avec la chaleur, tout en espérant que la prochaine fois sera l'ultime et l'emmènera de l'autre côté, vers sa véritable nature. Enfin, elle pénètre dans une petite cellule obscure, referme la porte derrière elle et s'approche d'un bloc de métal où elle s'étend, son corps venant se mouler parfaitement dans l'empreinte en creux laissée par une expérience précédente. Elle trouve là, au contact du métal froid, une félicité d'une autre nature, moins intense, plus douce, presque insidieuse, qui la plonge dans un sommeil réparateur.

Publié dans Sûl

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L
Fertile... j'aime cet adjectif, et j'espère que mes mots pourront être le terreau sur lequel fleuriront d'autres vocations créatives...<br /> Quant aux contes, je ne sais pas trop, construire des histoires, des scénarios, n'a jamais été mon fort, mais qui sait ?<br /> Merci en tout cas de ton passage, et n'hésite pas à revenir et à me dire ce que tu penses de mes textes.
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S
Une imagination fertile et magnifique!<br /> Bonne continuation et surtout laisses en  pour les contes..<br /> <br /> <br /> S.Braam<br />
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